Laboratoire

La Grèce est le laboratoire ultra libéral de l’Europe.

On nous le dit, on nous le répète. Nous sommes peu à l’entendre, à le comprendre, à le décoder.

Pourtant, c’est exactement ce qui est en train de se passer.

Les infernales décisions prises par le gouvernement grec sous les ordres de la troïka sont répétées un an plus tard au Portugal, puis en Italie, en Irlande. Elles arrivent en France. Notre gouvernement embraye.

Donc, une seule solution : la Solidarité.

Le 10 mai de cette année, nous avons entendu une émission, sur France Inter : ‘Grèce, une lente descente aux enfers’.

Deux femmes racontent le quotidien. Simplement. C’est bouleversant. Ecoutez cette émission.

Un travailleur de notre régionale a pris congé et s’est rendu à Athènes avec sa compagne. Pour comprendre moins mal. Pour rencontrer Sofia. Pour témoigner ensuite de ce qu’ils ont vu là-bas.

Deux jours après leur retour le gouvernement grec décidait et faisait appliquer par la police la fin de la diffusion de la télévision et des radios publiques.

Nous avons repris contact par téléphone avec Sofia ce mercredi :

FGTB Lux : bonjour Sofia, nous avons bien entendu étés informés de ce qui s’est passé en Grèce le mardi 11 juin, à savoir la décision du gouvernement de mettre fin à la télévision et aux radios publiques. Peux-tu nous expliquer, de ton point de vue de citoyenne, ce qui s’est passé depuis ?

Sofia : bonjour. Vous pouvez imaginer notre choc. J’étais devant la TV à cette heure là. Ce signal disparu et cet écran noir nous a de suite transportés en 1967, au début de la dictature. Il s’est passé la même chose à cette époque mais l’impact avait été moins important car la télévision n’était pas aussi présente et répandue qu’aujourd’hui. Je me souviens que les émissions avaient été interrompues et que des marches militaires étaient diffusées toute la journée.

Sur le moment, c’est ce à quoi nous avons pensé. Mais, très vite, la contestation s’est mise en marche et, paradoxalement, je pense, avec quelques jours de recul, que les effets de cette incroyable fermeture sont plutôt positifs.

FGTB Lux : peux-tu développer ?

Sofia : cette nouvelle a eu un effet puissant sur la population. Et les réactions fortes de la communauté internationale nous ont fait sortir de notre sommeil très profond. Voir tous les jours des manifestations de soutien, des prises de positions, dans de nombreux pays, nous fait beaucoup de bien.

J’ai l’impression qu’une partie de la population qui n’était pas sensibilisée jusqu’à présent est en train d’enfin comprendre ce qui se passe. Les gens parlent à haute voix des droits des citoyens dans ce pays.

Il y a depuis, quotidiennement, des manifestations importantes devant le siège de l’ERT, devant le Parlement, dans d’autres villes du pays.

Des travailleurs du privé, du public, des chômeurs, des étudiants, des ouvriers, des employés … manifestent ensemble. On dirait qu’ils ont compris que la possibilité de perdre son travail est une réalité tangible. Que ce n’est pas seulement ‘pour les autres’.

Cela pousse les gens à manifester, à créer des solidarités entre des groupes qui luttaient auparavant chacun dans leur coin. Il y a moins de divisions.

FGTB Lux : nous avons entendu que face à la contestation le gouvernement venait de faire marche arrière, et que la diffusion des émissions avait repris, est-ce exact ?

Sofia : à ce jour (19 juin), les écrans sont toujours noirs et les radios silencieuses. ERT continue à émettre de manière illégale, grâce à internet.

Mais il est exact que le gouvernement a pris une résolution (provisoire) en ce sens. Le gouvernement est donc dans l’illégalité puisqu’il n’applique pas ses propres résolutions.

Cet après-midi il y a une rencontre entre les trois partis de la majorité à ce propos.

Les gens dans la rue espèrent que le gouvernement va tomber et que nous allons faire de nouvelles élections. Mais les médias du secteur privé effrayent la population en brandissant la menace de la troïka de ne pas libérer une nouvelle tranche du prêt à la Grèce. Ils disent que si nous élisons un gouvernement qui remet en cause la docilité à la troïka, les salaires, les pensions … cesseront d’être payés.

Mais une partie de la population est consciente que cet argent ne sert pas les intérêts du peuple, mais bien à rembourser les échéances des prêts déjà contractés. Les banques sont à la fête, nous ne sommes pas dupes.

Ce gouvernement avait promis de rediscuter les exigences de la Troïka. Il ne l’a pas fait. Nous nous rendons compte que nos élus ont un sentiment de puissance, de pouvoir, de supériorité. On dirait qu’ils pensent ne pas avoir de comptes à rendre à la population. L’espace entre eux et nous devient abyssal.

FGTB Lux : comment se passent tes journées en ce moment ?

Sofia : la journée je tiens ma pharmacie, le soir je milite. Il y a tous les jours des combats, des manifestations, des concerts. Les gens s’expriment, débattent dans des salles, dans la rue …

FGTB Lux : vous inventez la démocratie une seconde fois ?

Sofia : oui (rires).

A la fin de la conversation téléphonique, nous avons proposé à Sofia de prendre de ses nouvelles, de prendre des nouvelles du peuple grec, régulièrement.

Nous lui avons proposé d’être nos yeux et nos oreilles. Elle a accepté.

Nous allons lui téléphoner une fois par semaine. Enregistrer la conversation, puis la diffuser sur notre site internet, sur le blog des TSE Luxembourg, sur notre page FB.

Si vous désirez ‘entrer en complexité’, creuser pour moins mal comprendre, nous vous conseillons vivement un blog magnifique, tenu par Panagiotis Grigoriou : greek crisis, ‘Carnet de notes d’un ethnologue en Grèce, une analyse sociale journalière de la crise grecque’.

Nous vous conseillons aussi de regarder la magnifique intervention de Stathis Kouvelakis, ému, émouvant, lors de la soirée organisée par les Reporters sans Frontières au Théâtre du Châtelet à Paris le 19 juin, à propos de ERT et de la répression des médias en Grèce.

Surtout n’hésitez pas à partager. A tout bientôt pour entendre Sofia.

Votre équipe ‘com’ interpro.


Solidarité avec le peuple Grec.

Premier interview de Sofia

Interview de Giorgos Mitralias

Second interview de Sofia

Nous continuons notre série d’interviews…

Interview de Panagiotis Grigoriou.

Un texte de Yorgos appelant à un mouvement antifasciste européen est disponible sur le site du CADTM.


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